Le péché dorgueil
de Nick Cave
par Xavier Alonso
Le chantre de la dark pop a revêtu sa bure de catéchumène. Nick Cave se tient brisé en chair, encore fourbu de son incessant combat contre incubes et succubes. On craint à tout instant la défaillance de lhomme parcouru des soubresauts cauchemardesques. Le dais, que lui ont confectionné ses musiciens The Bad Seeds pour protéger ses sermons, est du même pourpre cardinalice. Du velours uni des pianos, des guitares en chapelet et des violons au plaintif de cilice, le songwriter use comme dune liturgie dévote et intériorisé. Ainsi va No more shall we part, onzième album studio de lAustralien. Il est, dans les arcanes vaticanes, des théologiens qui modélisent les caractères des humains. Sur cette mappe de lâme, cest la vanité qui jouxte la sainteté. Prétendre avoir touché un morceau de la vraie Croix peut précipiter aux enfers. Cest entre ces deux qualités quoscille cet album. Des réussites comme Fifteen feet of pure white snow, malgré la trop évidente double influence de Léonard Cohen (pour les churs séraphiques de jeunes vierges) et Mike Oldfield (le piano possédé rejoue la B.O. de LExorciste) nexpient que partiellement lostentation boursouflée de God is in the house ou Oh my Lord. Dans
ces chansons confessions au lyrisme vertigineux, Nick Cave contrefait
trop dans son interprétation laffection édifiante
dun vieux combattant témoignant de son corps à
corps avec le Malin pour ne pas friser le ridicule. Pourtant, sa riche
discographie regorge de belles ballades quil emportait avec
davantage de simplicité. Se rêvant trop Sinatra gothique,
il manque de souffle dans des vrilles vocales qui trahissent surtout
ses limites. Mais ses excès disent aussi lambition dun
compositeur cherchant à repousser son champ daction.
Et quand lAustralien soublie, les chansons se consument
comme des cierges sincères. Le cuir émerge dessous son
froc étriqué pour de puissantes et entêtantes
rengaines que sa voix récitante sublime. (24heures.ch, 25 juillet 2001)
|