Quel
cruel dilemme cela a dû être pour Nick Cave et Mick Harvey
de faire un choix parmi la petite centaine de chansons gravées
par les Bad Seeds depuis 1984 et l'album From her to eternity ! Les
deux vieux amis qui ne semblent aimer les compilations que lorsque
ce sont les autres qui les réalisent ont dû se pencher
sur neuf de leurs albums studio (excluant le disque de reprise Kicking
against the pricks, 1986) pour en extraire seize titres qui paraissent
être plus des jalons d'une carrière éclectique,
pourtant fortement unifiée, que des "Best" comme
le suggère le titre.
Un choix sans doute difficile mais qui se tient ici par la quasi égalité
de traitement de chacun des albums publiés par le groupe. Un
ou deux titres par disque qui représentent difficilement le
meilleur du groupe -il aurait fallu un double album ou un coffret
rétrospective- tant le nombre de superbes chansons qui ont
marqué chacune des productions de l'Australien est important.
Non, vraiment, cette compilation pourrait être parfaite si la
volonté des auteurs, face à ce dilemme, dont nous parlions
plus haut, avait été de rester dans les éditions
officielles. Mais quid de la quarantaine (et oui, 40, vous ne rêvez
pas !) de titres inédits ou rares ou versions live ou alternatives
qui furent publiés au moment de la sortie de ces albums officiels
sur des faces B de singles ou dans des bandes originales de film ?
Sont-ce forcément des titres perdus pour les nouveaux auditeurs
de ces mauvaises graines ou projettent-elles la réédition
complète de ces merveilles silencieuses pour qui a manqué
le moindre petit 45 tours du Cave ? Du coup, on reste un peu sur sa
fin à l'écoute de ce Best of très "académique"
(si on peut risquer ce qualificatif) parce qu'il va de soi que tous
les albums du groupe doivent être dans la discothèque
de celui qui aime les ballades et le blues déjantés
en appelant aux divinités ou à l'amour passionnel.
Et ce n'est pas le CD bonus de neuf titres en concert qui ajoute un
plus à cette compile. En effet, il manque à ce concert
au Royal Albert Hall de Londres un je ne sais quoi de tension, de
puissance, d'explosion qui caractérisent tant les prestations
scéniques des Bad Seeds et de leur leader et que l'on retrouvait
plus présentes sur le Live Seeds de 1993.
Alors achat ou pas achat ? Sans doute pour ceux qui n'achètent
des musiciens que des compilations même si ce sont des sacrilèges
comme celles de Frank Zappa ou Wolfgang Amadeus Mozart parues il y
a peu. Les autres reviendront aux albums et tâcheront de fouiller
dans les bacs, à la recherche des inédits qui font tant
défaut ici.
(Chronic'art,
juin 1998)
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