Aussie soit-il
par Christophe Goffette
Il n'y a que nous autre Compact Men pour oser ce genre de billevesées rédactionnelles... Mais il faut dire que, bien qu'ardents défenseurs de l'Australien ténébreux depuis toujours, nous n'avons guère le choix puisque sa maison de disques vient de nous remercier de lui avoir accordé notre couverture avec son album précédent (nous étions mêmes les seuls, de mémoire) et d'avoir été partenaire unique de ses deux derniers concerts à l'Olympia, en nous privant d'interview ! Merci les gars, on apprécie !...
Enfin, là n'est pas le propos de ce court article, mais plutôt de rappeler une fois encore, de rabâcher même dans le cas présent, combien ô combien l'univers de Nick cave, confirmé chouchou de la rédaction, est riche, personnel, passionnel et forcément attachant et détonant. D'abord parce qu'il creuse toujours le même sillon, sa propre voie (voix?), sans jamais le moindre coup d'oeil dans le rétro ou sur le bas côté. Nick Cave fonce, à pas feutrés, tortionnaire sonique de nos recoins les plus tourmentés, toujours prêt à nous faire chavirer ou à nous enivrer selon l'humeur des maux du moment, ces mots qui, par sa bouche, ne mentent ni ne démentent jamais.
Ce qui différencie le génie de Nick Cave d'un simple talent d'écriture ou d'interprétation, c'est, comme souvent en pareil cas, de petits riens. Un backing band qui n'est pas composé que de bons musiciens, mais de fortes têtes, de personnalités, tout aussi imperméables que peut l'être le Bad Seed en chef. Une attirance pour le cryptique qui rend une simple chanson rock totalement renversante (c'est un minimum) et une banale ballade au piano bouleversifiante (si, ça existe, la preuve). Un physique aussi, sorte d'Elvis Lugosi taciturne et décharné, qui incarne à la perfection l'homme derrière la parole, la silhouette derrière la plume. Une faculté à trouver les associations les plus inattendues, que ce soit de rendre supportable la fade et préfabriquée (remodelée?) Kylie M. ou, dans ce Nocturama qui sort ces jours-ci, de rendre un hommage mérité à son compatriote Chris Bailey (oui, celui des Saints, à la carrière solo sur laquelle vous feriez bien de jeter plus qu'une oreille), avec qui il chante en duo sur un premier single entraînant et vivifiant (au sens noble du terme, pas une pop song passe-partout). Une attirance pour les extrêmes aussi, la noirceur de l'âme humaine et ses différentes personnifications et, à l'opposé, une religiosité qui apporte à son oeuvre un caractère précieux et ampoulé qui, plutôt que d'en annuler l'élan rock funambulesque, la transforme en cathédrale de sueur, sanglots, frayeurs, aspirations et respirations. Et, enfin, ce grain de folie en filigrane qui fait qu'en plus de tout ceci, Nick Cave est aussi capable d'éclairs titanesques, comme ce monumental "Babe, I'm On Fire" qui, un quart d'heure durant, arrache tout sur son passage, feu d'artifices d'un Nocturama que nous sommes tous déjà impatients de vivre sur scène. Une date à l'Olympia et sans doute deux ou trois autres concerts en province sont annoncés, nous serons fidèles au poste...(Compact, février 2003 - N° 31)