NICK CAVE AND THE BAD SEEDS

Propos recueillis par Yannick Blay

    God is in the House est le titre d’un DVD paru cet été présentant notamment un fantastique concert de Nick Cave And The Bad Seeds au Transbordeur à Lyon en 2001. C’est aussi un très bel intitulé faussement mégalo et franchement ironique qui correspond parfaitement à la personnalité de Nick Cave. Celui-ci nous fait la joie de répondre de nouveau à nos questions, celles-ci concernant cette fois son prochain album déjà en préparation ainsi que la BO de The Proposition, le prochain film de John Hillcoat. Mister "I don’t know" is speaking…

 

Peux-tu nous parler des prochains projets de Nick Cave And The Bad Seeds ? Notamment la BO de The Proposition de John Hillcoat. (ndlr : réalisateur attitré des clips de Nick Cave mais aussi des films Ghosts of the civil Dead ou To have and to hold) ?

Nick Cave : Le tournage commence en mars 2004 en Australie. Je ferai la musique live devant les images avec Warren (ndlr : Warren Ellis, le violoniste des Bad Seeds et fondateur du groupe Dirty Three, un des groupes préférés de Nick), et quelques autres personnes. Nous avons tous les acteurs que nous voulions mais je ne peux malheureusement pas t’en parler, le business du cinéma oblige. Ce sera un film excitant, violent, triste…


Comme ta musique… Pourquoi ne joues-tu pas dedans ?

Sur un plateau de cinéma, on s’emmerde ! Ça ne m’intéresse pas.


La tournée est finie, n’est-ce pas ?

Il nous reste quelques concerts prévus à la fin de l’année, en décembre, en Australie.


Vous y jouerez de nouvelles chansons ?

Non. Mais il est probable qu’on en profite pour y enregistrer quelques trucs pour le prochain album.


Tu as déjà écrit de nouveaux morceaux au piano ?

J’essaye, oui… En fait, on va se réunir à Paris en octobre avec quelques Bad Seeds, dont Warren Ellis, pour créer quelques nouveaux morceaux . On a prévu d’y passer trois jours en studio.


Quelle orientation aura ce nouvel album ? Prévois-tu quelque chose d’aussi cru et live que Nocturama ?

Je ne suis encore sûr de rien . J’ai quelques idées quant à son orientation… En fait, je souhaite quelque chose de plus en plus libre et de moins en moins structuré.


Plus direct ?

Peut-être moins direct, justement. Euh… Mais… Je veux essayer de nouvelles choses et aller dans de nouvelles directions. On verra bien… Je n’en sais rien.


Un nouveau producteur ?

Non, je crois que l’on va continuer avec Nick Launay (ndlr : le producteur de Nocturama avec qui ils avaient déjà travaillé du temps des Birthday Party). Il fait du très bon travail. Et j’espère qu’on enregistrera la totalité de l’album à Paris.


Il y aura donc une sorte de pré-composition de l’album à Paris avec certains Bad Seeds, des enregistrements en Australie puis, enfin, de nouveau à Paris ?

C’est à peu près cela oui. C’est comme ça que je le vois pour l’instant.


Et qui aura-t-il avec toi en octobre à Paris en dehors de Warren ?

Martyn (ndlr : Martyn P. Casey, le bassiste) et le percussionniste Jim Sclavunos. L’idée, c’est d’être en nombre restreint pour composer en studio à partir de simples idées de chansons. Cela permettra d’être le plus libre possible pour aller dans n’importe quelle direction qui me sied. Je n’aurai aucune chanson qui soit totalement écrite avec paroles et tout ce qui s’ensuit de façon à ne pas m’enfermer dans une structure limitée pas le format et les strophes.


Ce sera donc plus un retour aux sources avec de véritables compositions en groupe, plus du Bad Seeds que du Nick Cave ?

Oui. C’est ce que je veux. Même si j’ai toujours composé la majeure partie des chansons des Bad Seeds seul, mais c’est ce que je voudrais, oui.


Mais tu ne laisseras personne toucher aux paroles…

Non. Je me charge de toutes les paroles.


Penses-tu que le fait de composer seul au piano t’empêche d’évoluer, notamment sur le plan du chant ?

Euh… Non… A mon avis, jouer du piano m’aide à chanter. C’est ce que je pense, mais on peut ne pas être du même avis que moi. Quand je chante au piano, je fais corps avec la musique. Mais, bon… Je n’en sais rien (ndlr : à noter que ces "je n’en sais rien" sont là pour clore la discussion et signaler poliment au journaliste qu’il préfère maintenant répondre à une autre question).


Sur scène, c’est quand même mieux quand tu laisses le piano de côté, non ?

Non, j’aime jouer du piano sur scène… Parfois. Je n’ai pas de préférence, cela dépend de ce que réclame la chanson.


Cela dépend aussi de ton humeur… Selon les concerts, tu interprètes "The Mercy Seat" collé au piano comme à ton dernier concert à Paris ou debout et agité comme sur le DVD God is in the House

Peut-être oui…


On sentait quand même une certaine velléité de te lever durant l’interprétation de la chanson cette année à Paris (ndlr : au Zénith en juin), mais tu es finalement resté collé au piano…

Oui (ndlr : il se marre). Je joue en effet mes chansons comme j’en ai envie au moment où je les joue. Parfois, ça fonctionne, parfois non, je ne sais pas. Je pense qu’il y a eu quelques problèmes avec ce concert parisien. C’est le sentiment que j’ai eu en tout cas. Pourtant, de toutes les vielles européennes, c’est Paris que je préfère pour les concerts. Mais je n’étais pas très content de ce show en particulier. Je pense que c’est parce qu’on essayait plein de choses différentes et sur certains titres, ça ne marchait pas vraiment. On a voulu aller dans certaines directions et on s’est rendu compte après ce concert que ça n’allais pas. Les autres concerts de la tournée ont été bien meilleurs. On a changé certaines choses dans l’interprétation et c’est devenu beaucoup mieux, notamment à Londres.


Plus précisément ?

Je ne sais pas… Laisse-moi réfléchir. Bon, "Into my Arms", par exemple. J’ai essayé de la faire sans m’asseoir au piano et on s’est rendu compte que ça ne marchait pas du tout . Je ne sais pas, je ne sais pas… Et la salle était étrange aussi.


Tu préfères jouer dans les petites salles comme l’Olympia…

En effet, oui. L’Olympia est fantastique. Il y a dans cette salle une atmosphère très spéciale dès le moment où tu te diriges sur scène. Le zénith est plus laid et plus froid.


Ça n’a pas dû être évident pour James Johnston (ndlr : leader de Gallon Drunk qui avait déjà remplacé Blixa Bargeld sur une précédente tournée) de remplacer au pied levé Blixa Bargeld (ndlr : leader d’Einstürzende Neubauten)…

Oui, d’autant plus qu’il n’a eu que trois jours de répétition pour apprendre une trentaine de chansons. Mais c’est très excitant de l’avoir sur scène… Je veux dire… J’adore Blixa et cela me rend triste qu’il ne fasse plus partie des Bad Seeds, c’est quelqu’un de merveilleux. Mais c’était très excitant de voir quelqu’un d’extérieur réellement s’impliquer dans le groupe. Il était lui-même très excité par son engagement dans le groupe.


Blixa ne se sentait plus aussi impliqué qu’au début ?

Je crois qu’il disait lui-même qu’il jouait de moins en moins dans et pour les Bad Seeds, son rôle y étant de moins en moins important. Et… Je ne sais pas, je ne sais pas…


En tout cas, son départ a dû vous forcer à arranger de manière différente certaines chansons, voire à en abandonner certaines…

On a changé certaines interprétations simplement parce que l’on en avait envie, pas parce que Blixa n’était pas là. On aime faire différentes versions d’une même chanson. Je ne sais pas…


N’y a-t-il pas des chansons que vous ne pouvez plus jouer du fait de l’absence de Blixa ?

Si, "The Weeping Song" parce qu’il la chante. Mais c’est une bénédiction, on l’a joué tellement de fois sur scène (rires) ! Je ne sais pas ce que tu as pensé de notre version de "From Her to Eternity" sur cette tournée mais je crois que c’est une des meilleures que l’on ait jamais faite. Elle était nerveuse et des plus tendue, fantastique. Pourtant, cette chanson doit beaucoup au jeu de guitare de Blixa. Ce qui prouve que l’on peut tout faire malgré tout.


Il est vrai que les chansons des Bad Seeds sont souvent plus tendues et nerveuses sur scène. "Oh my Lord" en est un très bon exemple, je pense…

Oui. On a toujours fonctionné comme cela. Et c’est très difficile pour nous de réécouter nos disques car nos chansons évoluent sur scène. Elles se cherchent et se trouvent pendant les lives. Sur les albums, ce ne sont que des brouillons. J’essaye justement d’adopter de nouvelles méthodes d’enregistrement pour éviter cela. Il est difficile de savoir ce que "veut" devenir une chanson. En studio, quand tu vois que ça sonne bien, tu gardes la prise. Ensuite tu la joues sur scène et tu découvres qu’elle enferme bien plus que ce que tu as enregistré en studio. C’est pourquoi on aimerait aujourd’hui jouer et travailler nos morceaux sur scène dans des petits clubs et devant un public restreint. C’est tellement différent de jouer devant un public. C’est lui qui fait évoluer le morceau. On pourrait jouer "From Her to Eternity" un millier de fois en studio, cela sonnerait toujours pareil. Mais à partir du moment où tu la joues live, cela change du tout au tout.


Quel est l’album de Nick Cave And The Bad Seeds que tu écoutes le plus volontiers ?

Aucun. Je ne réécoute jamais nos albums. Je ne regarde pas non plus nos vidéos. Je n’ai rien vu du DVD God is in the House. Le seul intérêt de ces chansons enregistrées est de les rejouer live, pas de les réécouter. Je n’y entendrai que mes propres erreurs.


Comment choisis-tu les morceaux que vous allez jouer sur scène ? Au Transbordeur à Lyon en 2001, tu as joué pour le plus grand plaisir de tous "Saint Huck" et "Watching Alice" ainsi que "Wild World" de Birthday Party en acoustique pour la dernière tournée, des titres que tu ne jouais plus depuis longtemps…

C’est simple. J’amène une liste de chansons et on délibère pour savoir celles qu’on a envie de jouer ensemble. "Watching Alice", on ne l’a jamais joué live ? Pourquoi ne la jouerait-on pas cette année ? Etc. Si l’un d’entre nous ne veut pas jouer un morceau, on ne le fait pas.


Pourquoi ne pas jouer "There is a Town" sur scène ?

Euh… "I don’t know"…

(D-Side, septembre/octobre 2003 - N° 18)