par Emmanuel Mazurier et Emmanuelle Noël
C'est presque un rituel chez Nick Cave ; la sortie de chaque nouvel album coïncide avec la fin de l'hiver. Quatre ans après The Boatman's Call, le printemps 2001 pourrait bien être celui de la remise en cause. En avant-première, les textes de No More Shall We Part, album à paraître le 4 avril. Après le tourbillon tourmenté de The Boatman's call, Nick Cave poursuit sa quête autobiographique pour nous livrer des textes rudes et profondément ancrés dans les réalités humaines. Le travail d'écriture lui-même s'est soumis à une rigueur toute nouvelle : tout l'album a été écrit dans un état de contrainte et d'enfermement, l'auteur se rendant chaque jours dans un bureau et respectant des horaires réguliers. Nous le retrouvons ici seul, en observateur du monde, dressant un portrait à peine caricaturé de ses contemporains. L'histoire pourrait commencer sous une épaisse couche de neige, là où reposent les disparus ; ceux, anonymes des rangées du cimetière de la Cathédrale de St.Edmunds (Gates to the garden), ceux, proches de Nick Cave, qui n'ont pas survécu à l'héroïne (Fifteen feet of pure white snow), ceux, tel que son propre père, témoin posthume d'une toute dernière rémission(Darker with the day). L’évocation de l’hiver est ici une saison propice à la commémoration du passé. Puis viendrait un vent malsain et prémonitoire annonçant la paralysie des émotions (Hallelujah) et conduisant à se réfugier dans une sorte de communauté religieuse nettoyée de toutes les perversions, parfaite jusqu'au dégoût, où Dieu lui même est tourné en dérision (God is in the house). Le mauvais temps laisse
parfois passer un rayon de soleil, annonçant une invitation à la promenade (Oh
my Lord) sous le signe du destin. Dans cette ballade, la réponse à la
paranoïa du promeneur est le jugement populaire de la rumeur… L’image de l’épouse est présente dès la première chanson (As I sat sadly by her side) qui évoque, selon Nick Cave, une discussion philosophique entre sa femme et lui, où l’admiration ressentie par la première devant la beauté du monde s’oppose à la vision réaliste et désespérée de l’homme obsédé par la condition de la misère humaine. Finalement, cette évocation de la dialectique s’achève sur un sourire sardonique. A lire, le texte des chansons de 'No More Shall We Part'. (LesInrocks.com, 12 mars 2001)
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