« Je suis un type marrant »
par Miguel Cid
Le chanteur australien et son groupe The Bad Seeds sont en grande forme sur leur nouvel opus, « Nocturama ». Rencontre avec un poète maudit qui a le sens de l'humour |
Figure culte du rock indépendant depuis plus de vingt ans, Nick Cave semble se bonifier avec l'âge. Le ténébreux chanteur australien publie aujourd'hui « Nocturama », le douzième album réalisé en compagnie de ses « Mauvaises Graines », the Bad Seeds. Il y est en grande forme, alternant ballades sombres ? nourries au blues et au folk ? et rock fiévreux, comme en vomissait son premier groupe,The Birthday Party.
C'est ainsi que des méditations moribondes sur la vie (« Wonderful Life ») et l'amour (« Still In Love ») côtoient des hymnes jubilatoires comme le funky « Bring It On » ou le monumental « Babe, I'm On Fire », une joyeuse jam de près de quinze minutes qui clôt le CD dans l'euphorie. « Le charme de ces chansons, c'est qu'elles ne sont pas fignolées », nous explique Nick Cave, installé dans la bibliothèque d'un hôtel londonien, un décor qui sied comme un gant à ce passionné de littérature. « Nous avons profité d'une pause lors de notre dernière tournée pour enregistrer l'album en une semaine en Australie. On en avait assez de devoir attendre trois ans pour sortir un nouveau disque, comme cela est la norme dans l'industrie de la musique. »
À 45 ans, le prolifique auteur-compositeur-interprète, qui habite Brighton - où il élève ses jumeaux âgés de 2 ans et demi - n'est pas près de prendre sa retraite. Il projette même d'accélérer la cadence et de publier un album tous les ans. « Je n'ai pas peur de vieillir. Je me suis toujours fait peur en me regardant dans le miroir. Rien n'a donc changé à ce niveau-là. Mais je dois avouer que je ne me sens plus aussi fort qu'avant. Et je n'aime pas ça. » A force d'explorer tout au long de sa carrière les zones d'ombre de l'âme humaine, Nick Cave s'est vu coller une étiquette de poète maudit, de dandy torturé ou même de Nosferatu des antipodes.
Cette réputation éclipse son sens de l'humour et de l'autodérision. « Ma maison de disques m'a supplié de ne pas intituler mon album « Nocturama ». Elle a passé les dix dernières années à essayer de se débarrasser de mon image sinistre. Ce n'est pas le moment de choisir comme titre un endroit où l'on enferme les chauve-souris! » Nick Cave, un type marrant? « Il y a de l'humour dans ma musique. Je ne suis peut-être pas très drôle, mais je ris souvent. Vous savez, quand un type essaie de traverser la rue et qu'il recule brusquement lorsqu'il voit arriver une voiture? Je trouve ça hilarant. »
(Matin.ch, 05 février 2003)