Chronique de l'album

No More Shall We Part , premier recueil d’inédits réalisé par le groupe depuis la parution de leur Boatman’s Call en 1997, succède au tout récent Best Of… du chanteur légendaire et de ses musiciens.

Trois années se sont écoulées depuis la sortie de leur dernier opus, durant lesquelles Nick Cave a multiplié les activités. Tour à tour directeur du Meltdown Festival sur la rive sud londonienne, lecteur et interprète de son essai intitulé The Secret Life of The Love Song, auteur d’une réflexion sur l’évangile selon Saint Marc et invité d’Hal Wilner lors d’une soirée dédiée à l’archiviste musical Harry Smith, il s’est également produit à quelques occasions en Europe et en Australie entouré d’une formation semi-acoustique. Enfin, consécration suprême de la fin du millénaire, Nick Cave aura vu figurer une reprise de son titre phare : The Mercy Seat ; sur l’album American III : Solitary Man de son idole de toujours, le country singer légendaire Johnny Cash.

Onzième aventure studio du groupe, No More Shall We Part a été enregistré à Abbey Road à Londres durant l’automne 2000 par les Bad Seeds, aka. Nick Cave, Mick Harvey, Blixa Bargeld, Thomas Wylder, Martin Casey, Conway Savage, Jim Sclavunos et Warren Ellis. Ces douze nouvelles chansons reflètent une vision panoramique d’un monde où l’amour lutte pour survivre, armé d’une patience et d’une conviction résolues et acharnées. Autant de traits qui constituent la bannière d’un artiste qui s’est montré fidèle à sa vocation durant ses vingt années d’activité.

Notons de surcroît une autre qualité remarquable du groupe : jamais leur contribution personnelle n’est davantage valorisée que la chanson elle-même. Les accompagnements de No More Shall We Part illustrent parfaitement les textes et ce, sur un large panel de morceaux, le tout avec une intensité et une délicatesse auxquelles nombre de leurs pairs, adeptes de la facilité, ont tout à envier. Le disque comprend non-seulement des arrangements de cordes magnifiques signés Mick Harvey et Warren Ellis mais aussi l’apport des voix exquises de Anna et Kate McGarrigle. Celles-ci viennent épauler celle de Cave, étayant ainsi une personnalité d’une richesse qui ne fait que s’accroître. Elles apportent également une toute autre dimension à de nombreux titres.

Oscillation névrotique entre tendresse et brutalité, No More Shall We Part est un disque où folie et mystère s’entremêlent, sur fond de sonorités obsessionnelles, dans lesquels se fondent des histoires d’amour d’une pureté et d’une beauté douloureuses
Dans ce vaste théâtre qui relève tantôt de l’imaginaire, tantôt du vécu, Cave décrit, de plus, la vie de la rue avec un sens de l’humour grinçant.

Musicalement, il s’est montré très attentif à la forme. Les styles sont très variés, ce qui est d’ailleurs reflété par la diversité des décors décrits dans les textes. L’un des thèmes récurrent du disque est celui des premiers pas dans une existence.

Qu’il s’ agisse de Hallelujah, Oh My Lord ou de Darker With The Day, tous commencent par une succession de pas, au même titre que Papa Won’t Leave You Henry, extrait de l’album de 1992, Henry’s Dream. Alors que, lorsqu’il marche les imperfections et les perceptions troublées le guettent, l’album est pour lui l’occasion de mieux leur faire face.

Toujours en quête de compréhension via la psychologie, la théologie et d’autres sciences encore, l’auteur retournera cependant chercher la consolation auprès de l’être aimé. Seule la compagnie de l’amant peut racheter le monde alentours, du moins pour le moment. La féminité est salvatrice, seule source de compassion, propre à recevoir les sentiments qu’il entend lui offrir.

Nick Cave est un artisan peu orthodoxe, bien qu’imprégné des traditions musicales les plus raffinées. Il y puise un certain esprit critique et un sens de l’individualité. Sensualité, intrigue, intelligence et irrévérence ajoutent paradoxalement une forme de classicisme à son oeuvre. Mais, ne nous méprenons pas, il s’agit là d’un personnage singulier.

Et il entend bien le rester.

(Labels.tm.fr, 02 avril 2001)