Nick Cave entre l'ange et le démon

par Philippe Manche

flamme.gif (21280 octets)

L'idée n'est pas neuve mais fait toujours recette dans le chef de Nick Cave d'autant que le chanteur australien n'en est pas à son premier coup d'essai. En avril 1994, au sous-sol du Tower Records de Piccadilly, Nick et ses "mauvaises graines" donnaient un mini-concert gratuit réservé aux petits veinards qui avaient eu la patience de faire le pied de grue depuis midi dans l'espoir d'y décrocher un sésame et de voir le fougueux animal dans l'intimité. Nick y faisait la promotion de son album "Henry's dream" et lors de la demi-heure de concert, fut incroyablement vivace et explosif, s'accrochant aux néons suspendus au plafond avant d'envoyer tout valdinguer autour de lui.

LONDRES de notre envoyé spécial

Presque quatre ans plus tard, le 10 mai dernier - son fils Luke à qui il dédicacera un poignant "Into my arms" soufflait ce jour-là ses sept bougies - Nick remettait les couverts à l'occasion de la sortie de son album "Best of" et invitait ses fans à l'Astoria, un chouette petit club à deux pas de Tottenham Court Road. Pour être honnête , raconte Nick Cave dans la dernière livraison de son fanzine "The Witness", quand la firme de disques m'a suggéré de réaliser un album "best of", ma réaction initiale était loin de l'enthousiasme. Aujourd'hui, il est fier comme Artaban de cet album: je me suis assis et j'ai écouté ce fantastique groupe en action, poursuit Nick . Je me suis senti fier d'être impliqué avec les Bad Seeds, ils sont très très bons.

A la demande de sa firme de disques, Nick Cave a donc accepté de jouer le jeu de la promotion et de se produire, une heure montre en main, devant un parterre de 500 personnes parmi lesquelles quelques amis de l'artiste comme le photographe Anton Corbijn, PJ Harvey ou Shane McGowan toujours dans un aussi sale état. Après plusieurs courtes premières parties réservées à quelques membres des Bad Seeds en solo dont trois chansons du fidèle Mick Harvey à la guitare acoustique, Nick déboule comme une furie et annonce directement qu'il chantera quelques chansons, pas plus.

Et de fait, dix chansons plus tard, la cause était entendue. Mais pour qui a déjà vu Nick et ses Bad Seeds sur les planches de notre plat pays - à Deinze, La Luna, Forest-National, Torhout/Werchter ou Pukkelpop - l'expérience reste un modèle du genre. Nick est taillé pour la scène. En équilibre permanent entre la vie et la mort, l'enfer et le paradis, l'ange et le démon.

Brûlant comme un lit de braises, son groupe fait plus que le soutenir. Nick a raison lorsqu'il avoue être fier de son groupe. On sent chez Mick Harvey, Blixa Bargeld et tous les autres une cohésion qui dépasse la collaboration musicale. Ces gens-là se respectent trop pour se tirer dans le dos, ce sont aussi les bringues monstrueuses d'après concert et les épreuves de la vie qui les ont soudés.

Avec un répertoire impeccable, probablement ou à peu de chose près le même qu'il proposera ce week-end à T/W, Nick n'a eu aucun mal à convaincre avec "Deanna", "The weeping song" ou "The mercy seat". Mais c'est lorsqu'il se lance dans une version décharnée de "From her to eternity" ou dans un vénal "Tupelo" qu'il est magnifique. Debout sur les retours de scène les cheveux en bataille, Nick Cave est de la race de ceux qui trouvent la quiétude et la sérénité dans le chaos. Respect.

(Magazine des Arts et du Divertissement, 1er juillet 1998) ... merci à Olivier P.