Au rythme lent du vague
à l'âme
par Stéphane Davet
Comme un vampire qui rongerait ses crocs pour présenter un visage humain, Nick Cave chante sans décorum. Sa voix, habituée au jeu des incantations démoniaques ou passionnelles, diffuse ici la lumière délicate d'une gravité légère. Le coeur engourdi, le pianiste a posé ses mains sur les touches d'ivoire pour confier simplement quelques joies et beaucoup de peine. Le dépouillement, l'intimisme magnifique de ces chansons prouvent la grandeur d'un groupe, les Bad Seeds, capable de se retirer presque complètement au profit de l'émotion. Souvent réminiscentes de la fragilité du Berlin de Lou Reed, ces mélodies valsent au rythme lent du vague à l'âme. Des
titres comme Green Eyes ou West Country Girl évoquent sans
la citer Polly Jean Harvey, rockeuse paysanne du Dorset, muse et amour
perdu de l'ogre des antipodes. Dans ses disques précédents,
Nick Cave l'aurait sans doute vouée à un martyre sanglant.
Il se contente ici de vibrer de remords et de mélancolie. Pour
l'un de ses plus beaux albums. (Le Monde, 09 mars 1997) ... merci à Priscilla
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