Une voix du rock
par Sylvain Siglier, à
l'occasion de la diffusion du
concert donné au Réservoir sur Paris Première
Regroupés par Bernard Lenoir la référence Inrockuptibles depuis des années sur l'antenne de France-Inter , un concert et un portrait constituent le programme consacré au chanteur, parolier et compositeur Nick Cave. Cet Australien bénéficie dans le rock du statut envié de poète forcément maudit et de dernier romantique après avoir été le dernier punk. A ses débuts, il joue sur l'excès à la manière d'un Iggy Pop, dont il a un physique proche, sec, le corps noueux; ces derniers temps, il apparaît apaisé, détaché, avec quelques poses façon spleen baudelairien. Le concert du 19 mai enregistré au Réservoir une salle très tendance du quartier de la Bastille permet d'entendre Nick Cave avec The Bad Seeds, le groupe né des décombres fumants de Birthday Party, la formation des débuts en Australie venue semer le désordre à Londres au début des années 80. Les chansons sont passées d'un traitement très rock à une manière plus acoustique, légères dans la forme mais portées vers leur côté sombre par la voix de Cave, grave, profonde, comme un Lou Reed qui aurait rencontré le dandysme de Brian Ferry, un Bob Dylan en forme qui aurait croisé Captain Beefheart. On écoute I Let Love In, le superbe Into My Arms ou The Mercy Seat, ces morceaux hantés. Cave, qui à l'occasion peut retrouver ses allures de prêcheur fou perdu dans les profondeurs du sud des Etats-Unis, leur donne une belle intensité dramatique. Dommage que les images ne suivent pas. Suit
le court portrait consacré à Nick Cave. Centré
sur un entretien en plan fixe, avec de nombreuses archives qu'il aurait
fallu situer plus systématiquement , il confortera les fans
dans leur appréciation du " personnage " Cave. Mais
à deux reprises, il dira : " Ce que je veux, c'est être
capable d'être heureux, c'est tout ce que je demande. "
Nick Cave, résultat d'un malentendu, qui porte le costume du
déjanté blasé, à qui l'on veut, comme
chez Jim Morrison, accorder trop de crédit littéraire
pour quelques textes bien tournés, alors qu'il est avant tout
l'une des voix singulières pas toujours au diapason le plus
exact, mais au plus fort de l'expression du rock. Ce qui est bien
suffisant. (Le Monde, 24? juin 1998) ... merci à Priscilla
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