Nick Cave & The Bad Seeds : "Nocturama"

par Jérôme Delvaux

 

L'album du mois (février 2003)
Nick Cave est à l'honneur en ce mois de février,
avec son nouvel album Nocturama.

Beaucoup ne connaissent Nick Cave que par son duo avec Kylie Minogue, pour lequel il refusa une nomination aux MTV Awards : "je ne veux rien avoir à faire avec ce cirque" dira-t-il. D'autres le connaissent depuis sa période new wave, avec le Birthday Party, au début des années 80. Une chose est sûre, Cave ne cherche pas spécialement à plaire ou à vendre, seule compte la musique. "Les Bad Seeds, c'est pas du Limp Bizkit". Artiste intègre, ne s'étant jamais préoccupé des modes, il nous livre un nouvel album : "Nocturama".

 

Un Havanne et un bon Glenmorangie, histoire de se mettre dans l'ambiance. Ce whisky, loin d'être le plus vendu, compte parmi les meilleurs et les plus agréables à déguster. La remarque vaut aussi pour Nick Cave. L'ex-punk australien a rarement cartonné au sommet des charts, et sa musique se déguste comme un pur malt.

Wonderfull life ouvre l'album. Premier constat, nous ne sommes pas très loin de l'atmosphère de "No more shall we part", son opus précédent. Cette vie formidable, il ne saurait s'agir que d'ironie, vu le ton sur lequel Nick la chante.

Confirmation dès la seconde plage, He wants you, après une superbe intro piano, dans la grande tradition Bad Seeds. "Nocturama" ne révolutionnera pas le son Cave, et c'est tant mieux. La plupart des morceaux prennent un certain temps, pour installer un climat, une ambiance.

Dehors il neige, la rue comme les toits sont recouverts d'un épais tapis blanc. Coincidence, Nick parle plusieurs fois de l'hiver. Et de quelle manière : Poor little girl, with your handfull of snow. Musicien, poète, crooner, il est un peu tout cela à la fois. Et l'album est bon. Un piano omniprésent, des percussions inspirées. Le son est très riche. Pas de synthétiseurs ici, seulement une musique authentique et de qualité.

"Ca ressemble fort à l'album précédent", dis-je en prenant mes notes. "Non, c'est mieux" dit Véronique derrière moi. Elle n'a pas tort. Plus profond, par moments. Moins "catho", comme dirait mon ami Vince [...]. Cave parle moins de Dieu et plus de ses sentiments.

Sur Bring it on, il est accompagné au chant par les Bad Seeds et Chris Bailey. Ce chorus masculin inhabituel est la petite touche qui fait de ce morceau une des perles de l'album.

Ceux qui se seraient endormis durant les quatre premières plages, sous les effets de l'alcool, se réveillent assurément sur Dead man in my bed. Blixa Bargeld et Mick Harvey, jusqu'ici très sobres, se déchaînent à la guitare. Sans remonter jusqu'au Birthday Party, on peut dire que cette chanson rappele un album comme "From her to eternity". Ca bouge !

Sur Still in love, Nick Cave prouve que sa voix reconnaissable entre mille n'est pas son seul atout. Il est aussi un pianiste d'exception. Warren Ellis, qui l'accompagne au violon est aussi dans un grand jour. Il le confirme sur There is a town, où son instrument mène la mélodie et crée un climat de recueillement. Débarassé de ses vieux démons, drogue et débauche, on se dit que Nick Cave n'a peut-être jamais aussi bien chanté. Ce titre est plânant.

Il est plus romantique que jamais avec une chanson comme Rock of Gibraltar : "La mer et les vagues pourront s'écraser contre nous, je te protégerai. Mais tous nos plans seront peut être trahis, comme le rocher de Gibraltar".

Le final Babe, I'm on fire un morceau rock, presque punk, qui décoiffe, dure plus de 15 minutes. Son clip vous est offert en DVD, dans la version limitée de l'album. "C'est obligé d'aller si fort ?" demande mon épouse. Preuve qu'il s'agit de rock'n'roll pur et dur, bien violent et hargneux.

Ce morceau, comme l'ensemble de l'album, nous prouve que Nick Cave n'a rien perdu de son côté péssimiste. En voilà un qui n'a jamais vu la vie en rose. Plutôt en noir et en rouge sang.

(Pop-Rock.be, 1er février 2003)