par Christian Eudeline

Nick Cave sort sa première compilation, intitulée The Best Of, qui contient un florilège de ses dix albums studio, tous régulièrement plébiscités par la critique. A cette occasion, nous vous proposons un petit retour en arrière sur sa carrière.

L'univers de Nick Cave & The Bad Seeds ressemble énormément à celui du roman de William March, The Bad Seed, dont il tire son nom. D'un côté, il y a cette héroïne d'apparence innocente qui porte un lourd héritage puisqu'elle est la descendante d'une longue lignée d'assassins. De l'autre, cet univers toujours peuplé de créatures que l'on imagine aisément appartenir à la Cour des Miracles : prostituées, alcooliques ou meurtriers. Ces mauvaises âmes qui naissent sous la plume de l'artiste se retrouvent toutes un jour confrontées à la portée de leurs actes. Un jugement dernier qui leur fait prendre conscience que l'on peut ressortir indemne de l'épreuve du mal.

Le rock de Nick Cave est volontairement sombre. Il s'appuie en outre sur des tempos destructurés. Puisant largement dans le blues traditionnel, ses mélodies sont très longtemps chaotiques avant de devenir dépouillées à l'extrême. Car après avoir été la figure de proue du rock bruyant, l'homme est presque devenu un crooner, ballades sentimentales à l'appui.

Grande messe

" J'avais effectivement ce désir de musique violente, mais sans les clichés habituels. Pas question de guitares perçantes..." La première apparition parisienne de Nick Cave et de ses Mauvaises Graines a lieu au Bataclan, le 10octobre 1985. Ses deux formations précédentes - Boy's Next Door et Birthday Party - sont depuis longtemps enterrées. Le premier groupe donnait dans la power-pop et restait très influencé par les années soixante. Le second a souvent été décrit comme le groupe de l'after-punk, menaçant et désorganisé à l'extrême. Dans la salle, le public est tout de noir vêtu, il porte le deuil du jour, on les traite de corbeaux. Sur les treize morceaux offerts en pâture, on reconnaît des extraits des deux premiers albums, From Her To Eternity (1984), et The First Born Is Dead (1985). Aux côtés du maître de cérémonie, Mick Harvey (fidèle entre les fidèles à la batterie), Blixa Bargeld (le leader du groupe Einstürzende Neubauten) et Barry Adamson (ex-Magazine). Le Docteur Marlowe sait se transformer en bête de scène lorsque l'occasion s'en présente, comme dans cette incroyable version de "Tupelo" et ce rappel illuminé de simples bougies, comme si la sono avait rendu l'âme. D'abord effleurée des doigts, la Bible va s'avérer être une source d'inspiration, un peu comme un livre de sable dans lequel seraient répertoriés tous les pêchés capitaux de l'humanité. Une manne céleste pour le créateur. La première apparition parisienne de Nick Cave et de ses Mauvaises Graines a lieu au Bataclan, le 10octobre 1985. Ses deux formations précédentes - Boy's Next Door et Birthday Party - sont depuis longtemps enterrées. Le premier groupe donnait dans la power-pop et restait très influencé par les années soixante. Le second a souvent été décrit comme le groupe de l'after-punk, menaçant et désorganisé à l'extrême. Dans la salle, le public est tout de noir vêtu, il porte le deuil du jour, on les traite de corbeaux. Sur les treize morceaux offerts en pâture, on reconnaît des extraits des deux premiers albums, From Her To Eternity (1984), et The First Born Is Dead (1985). Aux côtés du maître de cérémonie, Mick Harvey (fidèle entre les fidèles à la batterie), Blixa Bargeld (le leader du groupe Einstürzende Neubauten) et Barry Adamson (ex-Magazine). Le Docteur Marlowe sait se transformer en bête de scène lorsque l'occasion s'en présente, comme dans cette incroyable version de "Tupelo" et ce rappel illuminé de simples bougies, comme si la sono avait rendu l'âme. D'abord effleurée des doigts, la Bible va s'avérer être une source d'inspiration, un peu comme un livre de sable dans lequel seraient répertoriés tous les pêchés capitaux de l'humanité. Une manne céleste pour le créateur.

Des coups de pied aux crétins...

L'année suivante sort Kicking Against The Pricks (1986), un album uniquement constitué de reprise. Johnny Cash, Leadbelly, Roy Orbison et le Velvet Underground sont quelques-uns des grands noms revus et corrigés de manière étonnante, avec un final a cappella, "Jesus Met The Woman At The Well". Le dépouillement des accompagnements met pleinement en valeur la rage qui anime le chanteur. C'est à ce moment que le grand public commence à se reconnaître en ce groupe. Et malgré un mini-album sorti entre-temps, Your Funeral... My Trial (1986), un peu trop sépulcral, le suivant emporte une adhésion quasi-générale : Tender Prey (1988) ne suscite que de bonnes chroniques. "The Mercy Seat" et "Deanna" deviennent même des classiques. Il est vrai que l'écriture de Nick jouit d'une formidable dynamique, une qualité bien trop rare dans le travail de ses concurrents. On pourrait sans doute comparer avec les écrits d'un Lou Reed des années quatre-vingt-dix, la fureur et l'exaltation de sa période warholienne en plus. La prestation du 21 octobre 1988 à l'Elysée-Montmartre affiche complet bien avant le jour J. L'ambiance atteint son paroxysme lorsque, déchaîné, le combo éructe des rocks violents. Par rapport à la première tournée, le son est bien plus clair et les paroles distinctes, les tempos ne sont pas encore ralentis.

Le crooner de ces dames

Suit la période dite brésilienne, où la trop grande lecture des Ecrits Saints a définitivement convaincu Nick Cave qu'il n'était pas nécessaire de traverser moult souffrances pour accèder à la sérénité ; la poudre ne coule plus dans ses veines depuis plusieurs mois. Le CD The Good Son (1990) s'ouvre par un chant traditionnel, "Foi Na Cruz", emprunté au folklore, que l'on retrouve sur la bande son du film Pixote, auquel était dédié le précédent album. Le thème essentiel en est l'amour. La dévotion a peu à peu laissé la place à la passion, comme l'en atteste le refrain de "The Ship Song" : " Come sail your ships around me / And burn your bridges down / We make a little history, baby / Every time you come around... " S'en dégage un sentiment complexe de nostalgie et de spleen, quiétude et bonheur terrestre ne sont-ils que Graal inaccessible ? Il n'y a guère que les petites filles de la pochette pour croire encore à la pureté de l'esprit. D'autant plus que même si le Don Juan gothique a trouvé la perle rare, le plus souvent ses escapades amoureuses ne sont que chimères.

Le bonheur n'est-il qu'illusion ?

Nick Cave est devenu papa, son petit garçon s'appelle Luke, et pour célébrer l'évènement, il offre à son fils le morceau d'ouverture de son nouvel album, Henry's Dream (1992), intitulé "Papa Won't Leave You, Henry". Une longue pièce musicale, répétitive et mécanique, qui prend en compte les diverses étapes de l'existence. La vie est un grand huit, l'ennui laisse parfois la place à l'euphorie. Mais l'état de grâce ne dure que très peu de temps. C'est également le début de l'épuration des idées couchées sur papier, il y a de moins en moins de double sens, car pour viser juste, mieux vaut ne pas se déconcentrer. Suit un disque extrêmement sombre, Let Love In (1994). " J'espère que personne n'attend de moi un album joyeux, car je suis bien plus habile lorsque je suis dépressif et en colère... " J'espère que personne n'attend de moi un album joyeux, car je suis bien plus habile lorsque je suis dépressif et en colère... " Un peu trop étouffante pour tout ceux qui s'étaient habitués au calme précédent, ce n'est pas un hasard si cette oeuvre est l'une de celle qui se vendent le moins bien ; pourtant la force des écrits est encore une fois indéniable : " I found her on a night of fire and noise / Wild bells rang in a wild sky / I knew from that moment on / I'd love her till the day I die...". L'autodestruction semble être partie inhérente du tableau, et le peintre ne peut s'empêcher d'y revenir régulièrement.

Les belles et la bête

" As I kissed her goodbye / I said 'All beauty must die'... " Murder Ballads (1996) est plus qu'une étape supplémentaire dans la discographie de Nick Cave et de ses Bad Seeds. C'est le disque des collaborations aussi improbables que réussies. Chantant avec Shane MacGowan ("Death Is Not The End"), PJ Harvey ("Henry Lee") et Kylie Minogue ("Where The Wild Roses Grow"), l'homme vampirise ses proies successives. Moments d'aménité partagés avec des fans de plus en plus convaincus du talent de l'auteur, et une critique elle aussi laudative. Les observateurs noteront que la première livraison, qui s'appelait The First Born Is Dead, préfigurait cette collection de nouvelles à l'issue fatale mais rarement sanguinolentes. C'est un projet longtemps mûri, qui a enfin pu éclater au grand jour. Le magicien Faust n'a pas eu besoin de vendre son âme au démon Méphistophélès en échange du succès, mais juste de retranscrire ses émotions les plus intimes pour accéder aux couvertures des magazines spécialisés. C'est également à cette époque que le club Bad Seeds connaît quelques changements de personnel, mais il faudra encore attendre un peu pour le découvrir en action. (1996) est plus qu'une étape supplémentaire dans la discographie de Nick Cave et de ses Bad Seeds. C'est le disque des collaborations aussi improbables que réussies. Chantant avec Shane MacGowan ("Death Is Not The End"), PJ Harvey ("Henry Lee") et Kylie Minogue ("Where The Wild Roses Grow"), l'homme vampirise ses proies successives. Moments d'aménité partagés avec des fans de plus en plus convaincus du talent de l'auteur, et une critique elle aussi laudative. Les observateurs noteront que la première livraison, qui s'appelait The First Born Is Dead, préfigurait cette collection de nouvelles à l'issue fatale mais rarement sanguinolentes. C'est un projet longtemps mûri, qui a enfin pu éclater au grand jour. Le magicien Faust n'a pas eu besoin de vendre son âme au démon Méphistophélès en échange du succès, mais juste de retranscrire ses émotions les plus intimes pour accéder aux couvertures des magazines spécialisés. C'est également à cette époque que le club Bad Seeds connaît quelques changements de personnel, mais il faudra encore attendre un peu pour le découvrir en action.

L'amour, toujours l'amour

"I don't believe in the existence of angels / But looking at you I wonder if that's true..." Dans sa dernière livraison en date, The Boatman's Call (1997), la voix grave du leader s'est dépouillée de tout artifice pour donner la parole à la beauté de ses sentiments. Une solution simple mais on ne peut plus efficace, car tel un seigneur, Nick Cave sait qu'il n'a plus besoin de se cacher derrière des artifices pour extérioriser sa flamme intérieure. Très calmement, et pour la première fois seul au piano, il séduit sa belle. Sur scène - comme à Paris, au Grand Rex, les 28 et 29 avril 1997 - les musiciens qui l'accompagnent sont les suivants : Mick Harvey (guitariste), Blixa Bargeld (guitariste), Thomas Wydler (batterie, Mood Swingers), Martyn P. Casey (bassiste, ex-Triffids), Jim Sclavunos (percussionniste, ex-Cramps et Sonic Youth) et enfin Warren Ellis (violoniste, Dirty Three). Le public, lui, est comblé, c'est sans aucun doute la meilleure prestation du groupe à laquelle il a eu la chance d'assister. " Dans sa dernière livraison en date, The Boatman's Call (1997), la voix grave du leader s'est dépouillée de tout artifice pour donner la parole à la beauté de ses sentiments. Une solution simple mais on ne peut plus efficace, car tel un seigneur, Nick Cave sait qu'il n'a plus besoin de se cacher derrière des artifices pour extérioriser sa flamme intérieure. Très calmement, et pour la première fois seul au piano, il séduit sa belle. Sur scène - comme à Paris, au Grand Rex, les 28 et 29 avril 1997 - les musiciens qui l'accompagnent sont les suivants : Mick Harvey (guitariste), Blixa Bargeld (guitariste), Thomas Wydler (batterie, Mood Swingers), Martyn P. Casey (bassiste, ex-Triffids), Jim Sclavunos (percussionniste, ex-Cramps et Sonic Youth) et enfin Warren Ellis (violoniste, Dirty Three). Le public, lui, est comblé, c'est sans aucun doute la meilleure prestation du groupe à laquelle il a eu la chance d'assister. " C'est le premier disque dont je suis entièrement satisfait. " Pour nous, c'est le dernier en date.

(Rockmixer, mai 1998) ... merci à Jo-Anna